Le dropshipping est une pratique relativement récente de e-commerce. Cela consiste pour une personne (le cybermarchand ou le dropshipper) à proposer à la vente sur un site web des produits qu’elle ne détient pas en stock. Lorsqu’un client lui achète un produit, il commande la marchandise auprès d’un fournisseur qui l’expédie directement au client. La marchandise ne transite jamais par le cybermarchand. Il est purement et simplement un intermédiaire, qui spécule sur les produits qu’il met en vitrine, en empochant une marge pour chaque achat réalisé depuis son site. C’est une sorte de vente à découvert.
Le dropshipping est parfaitement légal. C’est une activité commerciale d’intermédiaire tout à fait classique. Dans la mesure où elle évite au cybermarchand de nombreux frais de structure et de logistique, elle peut être très lucrative. Elle peut constituer un bon moyen pour démarrer le e-commerce avant de développer une activité de vente plus personnalisée.
Il convient toutefois de ne pas se lancer n’importe comment dans cette activité. Ainsi, outre certaines questions purement économiques et liées au développement commercial, il faut en plus identifier et traiter certaines questions juridiques.
Respecter les obligations propres aux commerçants
Le dropshipper doit savoir qu’en se livrant à cette activité, il entre juridiquement dans la catégorie des commerçants. Il exerce en effet des actes de commerce à titre de profession habituelle (C. com., art. L. 121-1). L’acte de commerce n’est apparemment pas l’achat pour revendre mais probablement plus une forme de courtage (C. com., art. L. 110-1 7°), consistant à passer commande auprès d’un fournisseur pour le compte d’un acheteur et à empocher une marge au passage.
Si le cybermachand réalise cette activité en tant qu’entrepreneur individuel, il doit alors s’immatriculer au registre du commerce et des sociétés (RCS). Il doit également respecter un certain nombre d’obligations, dont des obligations comptables (C. com., art. L. 123-12), fiscales et sociales. L’option pour l’auto-entreprise constitue un bon point de départ pour se familiariser avec ces différentes obligations, avec des contraintes faibles. Le cybermarchand peut bien entendu développer son activité dans le cadre d’une société commerciale, pour structurer juridiquement l’entreprise de façon plus rigoureuse.
S’assurer que son site e-commerce comporte les mentions d’informations obligatoires
Développer une activité de e-commerce est aujourd’hui assez strictement encadrée, tout particulièrement dans l’intérêt des internautes/consommateurs. Ainsi, un site e-commerce doit, par exemple, contenir : les mentions légales concernant l’éditeur du site, l’hébergeur, responsable de la publication. On voit encore beaucoup de sites qui font l’impasse sur ces informations. Pourtant, leur absence est sanctionnée pénalement d’un an d’emprisonnement et 75 000€ d’amende. L’amende est portée au quintuple pour une personne morale (LCEN, art. 6, III). Il est également important de se munir de conditions générales de vente et/ou de service et de les mettre à disposition sur son site. Il faut aussi respecter les différentes informations relatives au traitement des données personnelles. Ajoutons que des mentions spécifiques doivent être portées sur son site par toute personne souhaitant offrir des biens ou des services par internet (LCEN, art. 19).
L’objectif est notamment de pouvoir contacter le responsable du site en cas de problème et d’éviter qu’il disparaisse dans la nature. On ne peut donc que conseiller aux potentiels acheteurs d’être vigilants sur l’existence des mentions légales sur les sites de vente, et d’éventuellement faire demi tour lorsque ces règles ne sont pas respectées.
Organiser contractuellement son activité
Dans le dropshipping, le contrat dispose d’une place importante. En effet, le dropshipper est au centre d’une opération à trois parties, qui implique deux relations contractuelles : d’une part, un contrat (de service) entre le client et lui-même ; d’autre part un contrat (de vente) entre le lui-même et le fournisseur.
On ne peut que conseiller au cybermarchand de formaliser ces engagements contractuels de part et d’autre.
– Le contrat avec le client
Les choses peuvent être relativement simples à organiser vis-à-vis du client, mais impliquent bien sûr le respect de quelques règles. On pense tout particulièrement à la mise en place d’un mécanisme de contractualisation en ligne. Ceci implique de respecter quelques règles au stade précontractuel (offre, prix du bien, date ou délai de livraison, garanties, droit de rétractation, etc.). Il faudra également mettre en place un dispositif de conclusion du contrat conforme à la règle du double clic (vérification de la commande / validation de la commande). Sur l’ensemble de la question des contrats conclus par voie électronique, il faut se reporter aux articles 1125 et suivants du Code civil).
Le dropshipper doit encore respecter le délai de rétractation de 14 jours (C. conso, art. L. 221-18) qui s’applique à tous les contrats conclus à distance. S’il n’informe pas le client de l’existence de ce délai, il est prolongé de 12 mois (C. conso., art. L. 221-20). Il est donc important d’appliquer cette règle, le tout sans compter le risque de voir prononcer des sanctions… (C. conso, art. L. 242-10 et L. 242-6)
Le cybercommerçant doit également avoir conscience qu’il est responsable contractuellement de l’exécution de la commande, jusqu’à la livraison définitive (C. conso, art. L. 216-4) : c’est le cas en cas de retard de livraison, absence de livraison, livraison d’un produits détérioré, etc.
Ce ne sont là que quelques exemples qui permettent de prendre conscience que même le dropshipping, comme toute activité économique ne s’improvise pas.
– Le contrat avec le fournisseur
Le cybermarchand aura en revanche beaucoup plus de difficultés à négocier le contrat avec son ou ses fournisseurs. En pratique, les cybercommerçants se tournent vers des plateformes ayant « pignon sur web » établies à l’étranger, qui ne laisseront aucune place à la négociation. Mais il peut être très important d’essayer et d’entrer en négociation, notamment avec des fournisseurs et des grossistes plus accessibles. Cela permettrait de couvrir certaines difficultés : défauts ou retards de livraison, mauvaise qualité des produits, service après vente, etc.
Ne pas se livrer à des pratiques commerciales trompeuses
L’un des aspects les plus problématiques du dropshipping et qui lui vaut sa réputation d’arnaque, est le recours à des techniques de ventes peu scrupuleuses, tombant sous la qualification de pratiques commerciales trompeuses (C. conso, art. L. 121-2) : créer la confusion avec un autre bien ou un service, une marque ou un autre signe distinctif d’un concurrent ; avoir recours à des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur ; ne pas permettre l’identification du vendeur, etc. De telles pratiques visent à inciter le consommateur à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise en d’autres circonstances. Mais il faut bien comprendre que le dropshipping ne constitue pas en soi une pratique commerciale trompeuse. Seule compte l’analyse des méthodes employées.
On pourra identifier ce genre de pratiques interdites par exemple dans les comportements suivants : présenter un produit comme original alors qu’il s’agit d’une contrefaçon ; présenter un produit comme d’excellente qualité alors que c’est une babiole ; afficher un prix laissant penser qu’il s’agit d’un produit luxueux alors qu’il a été acquis à une somme modique auprès du fournisseur ; faire croire à une réduction de prix temporaire qui est en fait fictive ; créer des faux commentaires de consommateurs.
Il convient d’être très vigilant car les pratiques commerciales trompeuses sont sanctionnées sévèrement : deux ans d’emprisonnement et 300 000€ d’amende sont encourus (C. conso., art. L. 132-2). Le montant de l’amende peut être porté à 10% du chiffre d’affaires moyen annuel, ou à 50% des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique illicite.
Respecter le cadre légal de la publicité en ligne
Pour se faire connaître et toucher une clientèle aussi large que possible, le cybercommerçant va nécessairement développer de la publicité sur le web, notamment sur les plateformes et les réseaux sociaux, parfois en faisant appel à des influenceurs. Le cadre juridique applicable est toutefois très strict. Il vise bien entendu à offrir au consommateur une information claire, loyale et transparente.
Pour aller au plus simple, disons que toute publicité, quelle que soit sa forme, accessible sur le web, doit être clairement identifiée comme telle (LCEN, art. 20). A défaut, la qualification de pratique commerciale trompeuse pourrait être retenue. Les recommandations de l’Autorité de la régulation professionnelle de la publicité (ARPP) méritent d’être consultées à ce sujet.
Un seul mot d’ordre en la matière : identifier clairement le caractère commercial ou publicitaire du contenu. Or, on voit encore trop souvent des publications à caractère publicitaire n’étant pas présentées comme tels.
Sélectionner scrupuleusement ses produits
Enfin, le cybercommerçant doit naturellement être très attentif à l’origine des produits qu’il met en vitrine sur son site et qu’il permet à ses clients d’acquérir auprès d’un fournisseur. Il n’est pas rare en effet que les produits livrés par les fournisseurs les moins scrupuleux soient des contrefaçons. Le dropshipper, certes, n’est pas lui même vendeur. Mais il pourrait parfaitement faire l’objet d’une action en contrefaçon par les détenteurs de droits sur les marques, brevets, dessins et modèles contrefaits. Il n’est pas rare non plus que les produits commercialisés ne soient pas conformes aux normes européennes, ou soient élaborés dans des conditions de travail indignes.
Pour finir, précisons que récemment, le Ministre de l’économie, Bruno Lemaire, a mis en garde les consommateurs contre les arnaques auxquels certains cybemarchands et influenceurs se livrent. Il y dénonce notamment les pratiques trompeuses et la publicité mensongère. Il rappelle que l’un des moyens pour lutter contre les pratiques est notamment de les dénoncer sur le site signal.conso.gouv.fr.
Si vous souhaitez vous lancer dans le dropshipping ou plus largement développer une activité de e-commerce, la consultation d’un avocat peut vous aider à structurer juridiquement votre activité. N’hésitez pas à nous contacter.