Loi pouvoir d’achat : quelques mesures en droit des affaires

Pendant l’été, le nouveau Gouvernement a beaucoup communiqué sur les mesures qu’il souhaitait prendre pour soutenir et protéger le pouvoir d’achat des français. Déposé en juillet devant le Parlement par la Première Ministre, le projet de loi « pouvoir d’achat » a été adopté le 3 août 2022. Après avoir passé le filtre du Conseil constitutionnel, il est entré en vigueur le 18 août 2022. 

Ce texte contient naturellement de très nombreuses mesures concernant la valorisation du travail, le partage de valeur, l’énergie (gaz, électricité), etc. Nous proposons ici d’évoquer quelques-une des mesures qui touchent au droit des affaires. 

Plafonnement de la variation annuelle de l’indice des loyers commerciaux pour les PME (art. 14)

Afin de lutter contre les effets de l’inflation, le législateur vient plafonner pendant un an (entre le 1er trimestre 2022 et le premier trimestre 2023) l’indice des loyers commerciaux (ILC). 

Ainsi, pendant cette période, la hausse des loyers commerciaux ne pourra pas excéder 3,5%. Attention : seules les PME bénéficient de cette disposition (les PME sont définies comme celles qui réunissent deux des trois critères suivants : 250 salariés, CA annuel HT inférieur à 50 millions d’euros ou total de bilan inférieur à 43 millions d’euros).

Résiliation des contrats facilitée pour les consommateurs (art. 15 et 16)

Dans une série d’articles visant à protéger le consommateur, la nouvelle loi facilite la résiliation des contrats. L’objectif est simple : plus le consommateur peut résilier facilement ses contrats, plus la concurrence sera forte notamment en termes de prix.

  • Première évolution : le texte prévoit la possibilité de solliciter la résiliation d’un contrat par voie électronique, dès lors qu’au jour de la résiliation, le professionnel prévoit la possibilité de conclure des contrats par voie électronique. C’est une sorte de parallélisme des formes qui vient s’appliquer et qui concernera de nombreux services (gaz, électricité, magazine, internet, assurances). 

Le professionnel sera alors tenu de mettre à disposition une fonctionnalité (bouton, onglet, etc.) gratuite permettant de réaliser les démarches de résiliation. Le consommateur peut toutefois y procéder par ses propres moyens en notifiant la demande résiliation. Le professionnel devra confirmer la réception de cette notification et l’informer sur un support durable, dans des délais raisonnables, de la date à laquelle le contrat prendra fin et des effets de la résiliation (C. conso., art. L. 215-1-1). Un décret viendra préciser les aspects techniques de cette disposition (identification du consommateur, accès facile, direct et permanent à la fonctionnalité, informations devant être fournies au consommateur). 

Le non respect de cette règle est assortie d’une sanction : une amende administrative ne pouvant excéder 15 000€ pour une personne physique et 75 000€ pour une personne morale pourra être prononcée (C. conso., art. L. 241-3-1) par l’autorité chargé de la concurrence et de la consommation (la DGCCRF). 

Cette disposition ne sera toutefois applicable qu’à une date fixée par décret, qui ne pourra pas être postérieure au 1er juin 2023. Elle sera applicable aux contrats en cours à cette date. Par conséquent, il convient d’adapter vos contrats, vos CGV et vos sites web dès maintenant ! 

  • Deuxième évolution intéressante : jusqu’à présent, dans les contrats internet et de téléphonie assortis d’une durée minimale d’engagement, le consommateur qui souhaitait mettre un terme de façon anticipée pouvait devoir verser jusqu’à 25% des mensualités restant dues. 

Ces frais de résiliation sont désormais supprimés. Toutefois, lorsqu’il s’agit d’abonnement auquel est associée la vente d’un smartphone à prix subventionné, des frais de résiliation sont maintenus. Ils sont néanmoins réduits à 20 % du montant dû au titre de la fraction non échue de la période minimale d’exécution du contrat. 

  • Il est notable que les personnes faisant face à une situation de surendettement (demande en cours, jugée recevable) pourront échapper au paiement d’indemnités lorsqu’elle résilient de façon anticipée un contrat d’abonnement internet ou de téléphone (C. conso, art. L. 224-37-1). Les mensualités restant à courir sur l’abonnement ne pourront pas être réclamées. 

Ces règles sont applicables à compter du 1er janvier 2023. 

Enfin, lorsqu’un consommateur déménage, ou que son foyer fiscal évolue, il pourra mettre un terme gratuitement et à tout moment à compter de la première reconduction, aux contrats de fourniture de service de télévision, contrats de fournitures de médias audiovisuels (C. conso, art. L. 215-1).

Renforcement de la lutte contre les pratiques commerciales illicites (art. 20)

Une autre façon de protéger les consommateur consiste à renforcer la lutte contre les pratiques commerciales déloyales, agressives et trompeuses. 

  • D’une part, les sanctions applicables aux pratiques commerciales trompeuses ou agressives sont relevées. Elles sont portées à 3 ans d’emprisonnement (au lieu de 2 ans) lorsque la pratique commerciale a été suivi de la conclusion d’un ou plusieurs contrats (C. conso., art. L. 132-2-1 ; art. L. 123-11-1). Elles sont portées à 7 ans d’emprisonnement en cas de commission en bande organisée (C. conso., art. L. 132-2-2 ; art. L. 132-11-2).
  • D’autre part, les mesures de publicité des injonctions de cesser les pratiques ou des transactions prononcées par la DGCCRF ou l’autorité de la concurrence (ADLC) seront renforcées (C. com., art. L. 464-9 ; L. 470-1). L’idée bien sûr est de jouer sur la réputation des professionnels et la crainte d’être montré du doigt. 
  • Les agents habilités pour rechercher de telles pratiques vont également disposer de prérogatives plus importantes : possibilité, dans le respect du contradictoire, en cas de constat de manquement ou d’infraction, d’enjoindre un professionnel à cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite ou interdite (C. conso., art. L. 521-1). 
  • En plus, lorsque les agents habilités constatent une infraction ou un manquement à partir d’une interface en ligne et que l’auteur ne peut pas être identifié ou qu’il n’a pas déféré à une injonction, l’ADLC pourra par voie de réquisition (en plus des compétences dont elle disposait déjà : C. conso., art. L. 521-3-1), lorsque l’infraction constatée est passible d’une peine d’au moins 2 ans d’emprisonnement et est de nature à porter une atteinte grave à la loyauté des transactions ou à l’intérêts des consommateurs  : 

– ordonner aux opérateurs de plateformes en ligne (moteurs de recherche, réseaux sociaux, etc.), en leur notifiant leurs adresses électroniques dont les contenues des interfaces en ligne dont les contenus sont manifestement illicites, de prendre tout mesure utile à faire cesser leur référencement ; 

– ordonner aux acteurs précités ainsi qu’aux fournisseurs d’accès internet et aux hébergeurs, en leur notifiant les adresses électroniques des interfaces en ligne dont les contenus sont manifestement illicites, de prendre toute mesure utile destinée à en limiter l’accès. 

  • Enfin, les échanges entre les agents habilités et les officiers de police judiciaire seront facilités (C. conso, art. L. 512-20). Ces acteurs peuvent désormais se communiquer spontanément les informations et documents retenus ou recueillis dans l’exercice dans leurs missions respectives, sans qu’une violation du secret professionnel ne puisse leur être opposée. 

N’hésitez pas à nous contacter ici si vous vous interrogez sur les mesures à prendre pour assurer votre conformité à nouvelles règles !