Le 8 mars 2022, Tanguy ALLAIN, avocat au barreau de Nantes a eu le plaisir de présider et animer une conférence portant sur le « Metaverse » à Rennes. Ce colloque était organisé par certains étudiants du Master 2 Droit du numérique de la faculté de droit de Rennes 1.
Cette soirée d’échanges a été l’occasion d’approfondir cette notion nouvelle, désormais connue du grand public depuis le coup de com’ de (feu) Facebook en octobre 2021, désormais rebaptisée « Meta ».
Le Metavers : un univers virtuel persistant
L’idée du Metavers, c’est-à-dire d’un (ou plusieurs) univers parallèles au monde physique n’est pas nouvelle. On la découvre en effet dans de nombreuses oeuvres de science-fiction dès les années 80 (dans « Neuromancien » de William Gibson ; ou dans « Snow crash » /« Le Samouraï virtuel », de Neal Stephanson), tandis que plusieurs jeux vidéos un peu plus récents ont déjà esquissé des premières ébauches d’univers virtuels (Second Life en 2003 ; Roblox en 2005 ; Sandbox en 2010 ; Fortnite en 2011).
On pourrait parler, pour définir le (ou les) Metavers, comme l’un des intervenants (Geoffray Blaecke) d’ « univers virtuel persistants » : des espaces virtuels auxquels tout un chacun pourrait accéder, et qui continueront d’exister même lorsque l’on se déconnecte.
Le résultat de l’ « hyperconvergence technologique »
De l’avis de la totalité des intervenants, nous sommes aujourd’hui à une époque charnière, celle de l’« hyperconvergence technologique » (formule de Geoffray Blaecke) pour construire le Web 3.0. Souvenons nous : le web 1.0 était purement informatif et l’internaute passif. Aujourd’hui, le web 2.0 est collaboratif : on peut créer et diffuser du contenu. Demain, le web 3.0 sera tout cela, en plus d’être immersif.
Le développement des technologies comme la blockchain et les NFT, le déploiement rapide de l’IA, des puissances de calcul des serveurs ou encore de la 5G participent tous à cette évolution. La progression des technologies de réalité virtuelle (casques, combinaisons, stations, etc.) participent de leur côté à l’expérience d’immersion.
Une difficulté technologique devra toutefois être traitée : pour l’heure, un certain nombre de projets de Metavers ont émergé. On peut supposer que plusieurs Metavers auront vocation à exister durablement. Par conséquent, il conviendra d’assurer une interopérabilité entre tous, afin qu’une même personne puisque passer d’un Metavers à l’autre avec la même identité/avatar…
Un marché considérable
Au-delà de ce virage technologique, il s’agit aussi d’un virage économique que beaucoup d’entreprises sont en train de prendre (à la fois celles qui construisent le Metavers, mais aussi celles qui y déploieront leur business). Tous les secteurs sont potentiellement touchés par le Metavers : luxe, industrie, sport, santé, loisirs, arts, services…
Le potentiel économique est considérable selon Thierry Pénard et Guénolé de Cadoudal, ne serait-ce qu’en termes de cibles : songez par exemple que le célèbre rappeur Travis Scott a pu, devant une foule de 12 millions (!) de personnes (alors sous forme d’avatars) produire un concert totalement virtuel, sur la plateforme Fortnite !
Le Metavers et le droit
Evidemment, les questions juridiques suscitées par le Metavers sont nombreuses. Les intervenants (Me Jean-Nicolas Robin notamment) ont pu évoquer par exemple la question des données personnelles. Les données qui pourront être utilisées à l’occasion d’une expérience immersive dans le Metavers sont nombreuses et nouvelles par rapport aux utilisations actuelles : mouvements, stress, émotion, signaux neurologiques, etc. La réglementation actuelle sur les données personnelles paraît naturellement applicable à ces utilisations, notamment par le canal du consentement des utilisateurs, mais il faudra évidemment s’en assurer que les utilisations des données produites par les utilisateurs du Metavers soient conformes à la réglementation.
D’autres questions juridiques sont illustrées par la lutte contre la cybercriminalité. Les cybercriminels trouveront un terrain de « jeu » naturel dans le Metavers à travers les fraudes (escroqueries), les atteintes aux stad (systèmes de traitement automatisé des données), l’usurpation d’identité. Les textes existants seront-il suffisamment adaptés à cette nouvelle configuration ? Faudra-t-il des cyber patrouilles pour contrôler le Metavers ?
Selon Martin Signoux, on peut supposer, sur ces sujets juridiques, que l’expérience acquise depuis plus de 30 ans maintenant sur la régulation d’internet permettra de trouver des réponses efficaces. Par exemple, ce qui est en train de se décider aujourd’hui sur le droit des plateformes à travers notamment le Digital Services Act (DSA) devrait avoir vocation à s’appliquer aux plateformes qui mettront à disposition des internautes leur Metavers. Mais nul doute que des problématiques nouvelles émergeront et que les juristes devront faire oeuvre d’imagination…
Si vous avez des projets en lien avec ces technologies émergentes et que vous avez des questions sur leurs aspects juridiques, n’hésitez pas à nous contacter pour en discuter !