Le Parlement européen a adopté ce jeudi 20 avril les règles visant à encadrer les crypto-actifs et plus globalement l’industrie naissante de ce secteur, qui seront mises en œuvre par le biais du règlement MICA (Markets in Crypto-Assets).
Ce règlement a pour objectif de réglementer les crypto-actifs afin de protéger les investisseurs, prévenir le blanchiment d’argent et assurer la stabilité financière. Il doit encore être approuvé par le Conseil de l’Union européenne (probablement au cours de l’été) avant d’entrer en vigueur. C’est une première à l’échelle mondiale.
Voici les points clés à retenir de la réglementation à venir sur les crypto-actifs à l’échelle de l’Union européenne :
Définition des crypto-actifs
Le règlement MICA définit les crypto-actifs comme une représentation numérique d’une valeur ou de droits pouvant être transférée et stockée de manière électronique, au moyen de la technologie des registres distribués(blockchain) ou d’une technologie similaire.
Trois catégories de crypto-actifs sont envisagées : les jetons se référant à un ou plusieurs actifs (comme les stable coins, par exemple adossés au dollar : USDC, Tether) ; les jetons de monnaie électronique (principalement utilités comme moyen d’échange) ; les jetons utilitaires (ou utility tokens) qui sont liés à l’exploitation d’une plateforme et offrent à leurs porteurs certains droits ou prérogatives (accès à un bien ou à un service par exemple).
Nous connaissons déjà en droit français une définition des crypto-actifs : art. L. 54-10-1 du CMF.
A noter : les NFT (non fongibles token) n’ont pas été intégrés dans le texte et feront certainement l’objet d’une législation spécifique (Attention toutefois, les NFT peuvent avoir la nature d’un utility token. Dans un tel cas, le cadre prévu s’appliquera).
Autorisation des prestataires de services de crypto-actifs
Les prestataires de services de crypto-actifs (PSCA ou CASP en anglais : crypto-asset service provider) devront obligatoirement être autorisés par les autorités des marchés financiers nationales, qui délivreront des agréments, et à condition de respecter un certain nombre de critères très exigeants (gouvernance, gestion des risques, etc.). Ces autorités auront la possibilité de retirer l’autorisation en cas de non-respect des règles.
L’agrément délivré aux prestataires, leur permettra de se prévaloir d’un passeport européen, et donc de la possibilité d’offrir leurs services dans toute l’UE.
Nous connaissons déjà en droit français un corps de règles similaires, puisque la loi PACTE de 2019 est venue encadrer l’activité des prestataires de services sur actifs numériques (PSAN). Art. L. 54-10-1 et s. CMF . Ils ont vocation à devenir des PSCA. Il est notable qu’actuellement en France, seul un enregistrement est nécessaire auprès de l’AMF pour exercer l’activité de PSAN. Par conséquent, les conditions pour accéder à cette activité vont devenir beaucoup plus contraignantes.
Protection des investisseurs
Les investisseurs seront protégés grâce à une série de règles, notamment l’obligation pour les PSCA de fournir des informations claires et précises sur les produits proposés, ainsi que des avertissements sur les risques encourus.
Les PSCA devront disposer d’un bureau au sein de l’UE, mettre en place des dispositifs de KYC (Know Your Customer) ; offrir des garanties pour assurer la propriété des actifs de leurs clients (afin d’éviter les pertes) ; répondre à des obligations de réserves en devises traditionnelles ; responsabilité en cas de pertes des actifs, etc.
Lutte contre le blanchiment d’argent
Les PSCA seront tenus de mettre en place des mesures de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
Ce sujet est en fait plus exactement abordé dans un autre texte , le règlement dit TFR (Transfer of funds regulation), portant sur les informations accompagnant les transferts de fonds et de certains crypto-actifs. L’objectif : contrôler les échanges de crypto-actifs entre émetteurs et receveurs entre plateformes dès le premier euro. Les échanges de crypto entre portefeuilles privés échappent à cette règle.
Surveillance des stable-coins
Les stable-coins seront soumis à une surveillance accrue de l’Autorité bancaire européenne, car ils sont considérés comme présentant un risque élevé pour la stabilité financière. Le cadre applicable prévoit notamment que les émetteurs de stable coins doivent constituer des réserves suffisamment liquides avec un ratio de 1/1 et en partie sous forme de dépôts (afin d’éviter les pertes par les consommateurs).
A suivre …
En résumé, la réglementation à venir sur les crypto-actifs à l’échelle de l’Union européenne vise à encadrer ces actifs numériques pour protéger les investisseurs, lutter contre le blanchiment d’argent et assurer la stabilité financière. Les PSCA devront être agréés et respecter des règles strictes en matière d’information, de lutte contre le blanchiment d’argent et de surveillance.
Beaucoup décrié par les acteurs de cette industrie, ce texte a certainement le mérite d’harmoniser la législation à l’échelle européenne et de poser un cadre à l’intérieur duquel évoluer. Comme toujours, et comme pour le RGPD, ceux qui parviendront à faire de cette nouvelle contrainte juridique une opportunité tireront leur épingle du jeu et sauront se démarquer sur le terrain concurrentiel. Les acteurs auront dix huit mois à compter de l’entrée en vigueur du texte pour s’y conformer.
On pourrait même avancer qu’un tel cadre, désormais connu, pourrait inciter des entreprises étrangères à s’installer en Europe. On pense par exemple aux entreprises américaines du secteur crypto qui font face aujourd’hui à un cadre juridique totalement incertain, et donc très peu favorable au développement des affaires.
Mais l’avenir dira aussi si l’équilibre a été trouvé : le corpus juridique mis en place parviendra-t-il à soutenir l’innovation dans le secteur crypto tout en garantissant la confiance des utilisateurs ?
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